L'inspecteur à la ferme 2

L’inspecteur à la ferme,
Sur ces entrefaites arrivèrent le médecin légiste et toute sa logistique pour examiner la victime. Le corps avait été transporté dans la cuisine. Il s’avérerait donc plus difficile de le faire parler. Il s’agissait d’un jeune homme d’une vingtaine d’année, de type caucasien, assez trapu de corpulence, le visage carré, les cheveux blonds coupés très courts, les mains massives …D’après le scientifique, la mort était due à de nombreux coups d’arme blanche portés dans le dos et le cou. De toute évidence, l’homme avait été pris par surprise : aucune lésion de défense n’apparaissait sur ses mains ni sur ses bras. Il portait de nombreuses ecchymoses post-mortem sur tout le corps : il avait sans doute été piétiné par le troupeau de vaches qu’il gardait dans l’enclos. L’inspecteur laissa le médecin faire son travail et repartit voir le fermier toujours aussi taciturne. Ce dernier était en compagnie d’un jeune homme qu’il présenta comme étant son fils aîné. Il ne paraissait guère causant lui non plus. Néanmoins l’inspecteur l’interrogea assez brutalement : il lui fallait à tout prix délier les langues. Après les questions d’usage en pareil cas, le policier en vint directement aux faits. Qui avait découvert le corps, qui l’avait déplacé et pour quelles raisons ? La scène de crime a dû être polluée par ces allers-retours incessants et la forte pluie qui tombait encore aura effacé toute empreinte éventuelle, sans compter le piétinement intempestif du troupeau : il n’y aurait rien à récupérer de ce côté-là. Alors l’inspecteur fit jouer le service de l’hygiène et vétérinaires et les menaça de faire fermer leur exploitation agricole qui n’était pas aux normes sanitaires. Il ‘n’aimait pas trop faire du chantage mais en l’occurrence il n’avait pas le choix. Et les deux hommes, soudain paniqués pâlirent à vue d’œil et semblèrent ne plus tenir sur leurs jambes. L’inspecteur avait trouvé la faille. Il lui restait maintenant à les faire parler. Il choisit d’interroger le fils qui semblait plus ouvert et beaucoup plus affecté que le père. Ce dernier se tenait prostré, le regard absent et la lèvre tremblante. Il n’en tirerait rien d’intéressant pour le moment. Il s’adressa au jeune homme lui rappelant ses droits et posa les questions d’usage. Ce dernier était blême et répondit aux questions d’une voix chevrotante envahie par la peur. Il connaissait bien la victime, il travaillait ensemble depuis deux ans, ils étaient devenus amis et il lui avait enseigné le métier. Mais il avait des fréquentations douteuses. Il côtoyait souvent des individus qui lui paraissaient louches, notamment des gens de la ville. Il semblait faire des trafics d’alcool avec le vieux moulin de son père. Il l’avait plusieurs fois surpris aux aguets mais ne s’était pas inquiété outre mesure. Il en avait parlé à son père mais ce dernier, buveur invétéré avait profité de ses largesses sans mots dire. Il avait peur de le mettre à la porte et qu’il n’aille se plaindre aux départements d’hygiène de l’état d’insalubrité de la ferme. Il l’avait menacé de le dénoncer aux services vétérinaires. Alors mon père ferma les yeux : c’était des disputes perpétuelles et il ne pouvait rien faire pour le licencier : son contrat n’était pas fini, il restait trois mois de validité avant sa cession.
L’inspecteur en savait suffisamment pour le moment : il lui restait à prouver ou infirmer ces dires. Il demanda aux deux hommes de l’accompagner dans le logis de la victime : il lui fallait des témoins pour pénétrer dans ce domicile.
Lucienne le 13.02.2016