L'inspecteur n'est pas au bout de ses peines 13

L’inspecteur n’est pas au bout de ses peines 13,
De toute vraisemblance, il n'était pas un serial-killer écervelé qui recherchait une triste notoriété. S’il était coupable, il avait un mobile rationnel et l’inspecteur pouvait donc s'attendre d'une telle personne qu'elle tentât d'effacer les évidences comme il avait essayé de cacher les corps des victimes. Il fallait y aller avec des pincettes. Il encourait la prison à perpétuité suivie d’une peine de sûreté de vingt-deux ans. Les preuves matérielles étaient là, étalées sous ses yeux : photos des victimes, relevé officiel de son taximètre sur la durée de deux ans, les clichés des caméras de surveillance, le résultat flagrant de la perquisition, les empreintes ADN des petites filles dans son véhicule de fonction … Les policiers demeuraient immobiles. Leurs cœurs battaient à tout rompre dans leur poitrine tandis que les pièces du puzzle se mettaient en place à une vitesse effarante dans l’esprit du prévenu. La culpabilité de TROUVIER ne faisait plus aucun doute. Mais il restait à déterminer son mobile. Pourquoi cet homme, qui avait aimé autant sa fille, avait-il assassiné des enfants ? Comment s’y était-il pris pour les attirer dans son taxi ? Les connaissait-il ou était-ce le fait du hasard de rencontre ?
Le présumé coupable se pétrifia sur sa chaise : il savait que la partie était terminée pour lui, il ne pouvait plus reculer.
« Je n’aurais jamais cru qu’un meurtre fut un crime, monsieur l’inspecteur. Je pensais dur comme fer que la moralité et la conscience n'étaient faites que pour les faibles. Dès mon plus jeune âge, je fus très perturbé, rendu agressif par mon père et asocial. Mes résultats scolaires furent catastrophiques et j’abandonnai l’école à quinze ans, en même temps que le foyer familial. Après avoir été refusé à l’armée pour mes antécédents psychiatriques, je décidai de faire une formation d’ambulancier que je réussis haut la main. C’est alors que je rencontrai mon ex-épouse Maguie. Ce fut l’état de ma compagne qui m’avait amené à l’épouser, contre mon gré, car j’avais le sens du devoir. C’était un enfant non désiré. Mais je me pris d’amour pour ma fille née handicapée. Je voulais la protéger et lui offrir une éducation plus respectable que la mienne. Renvoyé de mon travail pour cause d’alcoolisme aggravé, je m’étais tourné vers celui de taxi. J’étais seul maître à bord et entièrement libre de mes courses. C’est alors que notre couple battit de l’aile. Ma femme s’échappait de plus en plus de notre domicile sous des prétextes futiles, à ne plus s’occuper de la maison ni faire son devoir conjugal. Et de querelles en invectives de toutes sortes, je l’avais tabassé et elle avait demandé le divorce pour fautes. Le tribunal m’a condamné à trois ans de prison et l’interdiction formelle d’approcher de près ou de loin ma petite Emilie. Alors, je me suis réfugié un peu plus dans l’alcool. J’étais de plus en plus attirée par les petites filles qui ressemblaient à la mienne. Je la voyais de partout et j’étais jaloux de ces parents qui laissaient leurs enfants jouer dans les rues. Et puis, des pulsions sont arrivées, incontrôlables auxquelles je ne pus résister. J’avais un soudain besoin de les toucher, de jouer avec elles, de les dorloter, de les garder avec moi. Elles m’appartenaient, Monsieur l’inspecteur. Je les attirais dans ma voiture grâce à mon chien de compagnie, mon labrador Guizmo : lui aussi adorait les enfants, Monsieur l’inspecteur. Je les amenais en bord de rivières ou dans des petits bois où nous jouions à colin-maillard…. »
Voilà, ils avaient obtenu le mobile des crimes et les aveux circonstanciés du suspect …
Lucienne le 21.03.2016