L'inspecteur n'est pas au bout de ses peines 9

L’inspecteur n’est pas au bout de ses peines 9,
Pour l’heure, ils compulsèrent à fonds les dossiers des victimes et leur concordance était flagrante : c’était l’œuvre abominable d’une seule et même personne. Car c’était confirmé par la brigade dépêchée sur Mirmande, le présumé complice avait de solides alibis pour les heures des crimes. Ils pouvaient l’écarter définitivement de la liste des suspects potentiels. Il était agent hospitalier au CHU de Montélimar. Il n’avait aucune absence injustifiée aux dates et heures incriminées. Il était excellent dans son travail et n’avait que des éloges de son chef de service. Il était encore étudiant en médecine et préparait un doctorat pour se spécialiser en gérontologie. Décidément, il n’avait pas du tout le profil d’un tueur en série. Il ne restait aux policiers qu’à attendre le retour de la brigade valentinoise.
Ils mirent à profit ce délai d’attente insoutenable pour se reposer un peu. L’interrogatoire risquait de durer des heures et des heures, peut-être même toute la nuit durant. Le commissaire devenait anxieux et l’inspecteur se devait de le soutenir dans cette enquête hors norme. Son bagage universitaire de psychothérapie allait les aider grandement. Avant de devenir policier, l’inspecteur avait obtenu un master es psychologie à la faculté de Bordeaux.
Pour faire passer le temps plus vite et le divertir aussi, il demanda à son alter ego les spécialités et les originalités de la région, les coins à visiter en priorité, les randonnées pédestres à faire … il le bombardait de questions et le commissaire se sentit fier de présenter sa belle région qu’il aimait par-dessus-tout. Entre les châteaux (Renaissance à Grignan et Suze-la-Rousse, médiéval à Montélimar), le Palais Idéal construit par le facteur Cheval, les vieux villages tels que Cliousclat, Dieulefit, le Poët-Laval, mais aussi toutes les grottes, parcs animaliers et ses musées, la Drôme se dévoilait très charmante aux oreilles de l’inspecteur. Le commissaire semblait intarissable sur le sujet et il n’oublia pas ses spécialités gourmandes, ce qui fit saliver l’inspecteur : récoltée dans le Tricastin, le Val de Drôme ou les Coteaux de Romans, la truffe noire drômoise, la Mélanosporum, était exceptionnelle par son parfum puissant et sauvage à la fois ; c'était le diamant noir de la région. Il y avait aussi la spécialité du Royans, la raviole, pâte fraîche au blé tendre, farcie avec du comté, fromage blanc frais et persil, enfin la pogne de Romans et le nougat de Montélimar, des spécialités pâtissières incontournables, sans compter les vins AOC réputés comme le côte du Rhône, la pétillante clairette de Die, les incomparables liqueurs à la poire et aux noix… bref, le nec plus ultra de la gastronomie drômoise faisait s’agiter les papilles de l’inspecteur.
Ainsi ils avaient passé une bonne paire d’heures à discuter sans voir le temps passer. Le commissaire avait retrouvé son grand sourire et ses yeux pétillaient. Il ferait un excellent guide, pensa l’inspecteur. Si le temps lui permettait, il en ferait beau profit !
Sur ces entrefaites, les hommes de la brigade arrivèrent avec le prévenu. Il était minutieusement menotté et encadré par deux gendarmes lourdement armés. A priori, c’était un homme ordinaire, assez corpulent, vêtu d’une chemise à carreaux sur un jean sans faux plis, une paire de santiags semblant neuves aux pieds. Ses mains étaient propres et bien manucurées. Il était fraîchement rasé et le cheveu quoique déjà rare bien coiffé. Il salua les policiers d’un bonjour presque timide et s’assit sur la chaise que l’inspecteur lui présentait. Il secouait la tête dans tous les sens et interrogeait du regard les officiers de police. Ses yeux allaient de l’un à l’autre attendant la raison de sa présence dans les lieux. Il semblait ne pas comprendre ou alors il était excellent comédien. A le voir ainsi, qui croirait avoir affaire à un pervers sexuel, à un serial killer ? Comment se méfier de ce bonhomme débonnaire qui faisait si belle illusion aux yeux des profanes ou de petites filles innocentes ?...
Lucienne le 17.03.2016