L'inspecteur n'est pas au bout de ses peines 4

L’inspecteur n’est pas au bout de ses peines 4,
Le commissaire était très inquiet de la tournure des évènements. Cependant, grâce à l’aide informelle de l’inspecteur, il se rasséréna quelque peu. Ce dernier était reconnu comme un homme sérieux et pragmatique, un policier de terrain avec un flair hors norme et qui ne comptait jamais son temps pour décortiquer une enquête. Ensemble, il espérait fortement élucider cette vilaine affaire et pourquoi pas les autres restées en suspens pour cause de manque d’indices et peut-être de manque d’hommes sur le terrain. Poussé par les hautes sphères, il se devait d’élucider promptement et avec efficacité celle-ci en espérant qu’elle fut la dernière d’une trop longue série.
L’heure se faisant tardive, il convia son homologue à un souper convivial au restaurant près de la caserne. Sur le chemin, les deux hommes gardèrent le silence, perdus qu’ils étaient dans leurs propres réflexions. L’inspecteur commençait à ressentir la fatigue de son long trajet en train. Et puis, l’affaire reposait maintenant sur ses épaules, son savoir-faire et sa réputation étaient en jeu.
Arrivés à la brasserie, les deux hommes se déridèrent un peu et s’installèrent confortablement dans une alcôve tamisée à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes. Ils pourraient ainsi continuer leurs conversations et établir un plan d’action en attendant les résultats d’analyse médico-légale. Ils se devaient d’être en coordination parfaite. Trop de questions restaient en suspens : était-ce le fait d’un serial-killer, agissait-il seul ou avait-il un complice, les petites victimes avaient-elles le même profil, avaient-elles été attouchées sexuellement avant ou après leur décès, était-il un marginal ou un bon père de famille au-dessus de tout soupçon, avait-il lui-même subi dans l'enfance des sévices sexuels, des violences physiques ou morales, était-il originaire de la région …L’inspecteur bombardait de questions le commissaire de police mais les réponses étaient encore trop évasives. Les affaires n’avaient peut-être pas encore été recoupées et il était grand temps de faire une enquête de profilage comportemental. Depuis quelques années, les services de police et les unités de gendarmerie avaient recruté des spécialistes censés apporter leurs compétences en matière d’analyse comportementale.
Le champ d’application privilégié de cette analyse concernait les tueurs en série mais aussi s’appliquait à d’autres affaires comme des homicides uniques ou les viols particulièrement difficiles à résoudre. Communément appelée «profiling» ou «profilage criminel», elle est née dans les années 1960 aux Etats-Unis. Longtemps méconnue des procédures françaises, elle avait depuis 2002 sa propre unité au sein de la gendarmerie: le département des sciences du comportement (DSC). Il était composé de sept officiers de police judiciaire: quatre analystes du comportement – toutes des femmes – ayant suivi un double cursus de droit et de psychologie, et trois référents de police judiciaire, des enquêteurs qui intègraient le département par roulement. Cette unité d’experts, unique en France, était saisie chaque année d’une quarantaine d’affaires, des plus sordides aux plus mystérieuses, qui répondaient à une liste de critères d’urgence évocateurs: introduction d’objets, inscriptions sur le corps, ablation de membres ou d’organes, scarifications, indices de présomption de sérialité, minorité de la victime… Toutes avaient un point commun: Auteur inconnu.
Mais l’heure tournait à vive allure : il était déjà minuit. Le lendemain serait une journée très chargée pour les deux hommes et il était grand temps d’aller se reposer. Le commissaire mit à disposition une petite chambre disponible pour la semaine à la caserne de police pour l’inspecteur. Et ils se séparèrent d’une chaleureuse poignée de main…
Lucienne le 13.03.2016