Les vacances de l'inspecteur 2

Les vacances de l’inspecteur 2,
L’inspecteur attendit calmement tout en regardant ses collègues à l’ouvrage. Il ne pouvait s’empêcher intérieurement de critiquer leur façon de procéder. Le service de garde de nuit, surchargé sans doute et moins bien formé que dans les grandes villes, ne prêtait pas assez d’attentions aux indices sur le terrain et semblait piétiner tout azimut la scène gelée. Leur matériel était rudimentaire et leur nombre de personnel restreint. De toute évidence, c’était des papelards et ils n’étaient pas habitués au terrain.
Il faut dire qu’ils étaient à l’entrée d’un modeste village d’une centaine d’âmes, guère plus. A part une petite gare, un château d’eau et une paroisse, il n’y avait rien d’autre à cent kilomètres à la ronde à part  la campagne, des champs et des bois à perte de vue. Il serait très difficile de trouver des témoins.
Le travail semblant être achevé et le corps acheminé à la morgue, l’inspecteur s’approcha de son collègue et le détailla. C’était un homme de grande taille avec des cheveux blonds et des yeux clairs protégés par des lunettes cerclées, le regard sévère et l’allure fière. Visiblement, il était pressé d’en finir pour rentrer à la caserne et il était peu amène. Il accueillit l’inspecteur froidement et d’un air condescendant. Il n’aimait pas trop que d’autres marchent sur ses plates-bandes et il sut le montrer en serrant la main de l’inspecteur : elle n’était pas cordiale ni franche du tout.
Mais l’inspecteur était un homme de caractère et ne s’en formalisa pas. Bien au contraire, il le piqua au vif d’entrée pour le déstabiliser et lui faire perdre un peu de sa morgue: ils étaient de la même maison et du même rang après tout. Et il avait une longueur d’avance sur lui : en fin limier, dans l’attente de la brigade, il avait eu le temps d’analyser la scène du crime et de relever quelques indices. Il en convenait, ce n’était pas très légal mais ce fut plus fort que lui et cela le rendrait sûrement suspect voire coupable ; après tout, il était le premier sur les lieux et il aurait du mal à faire admettre qu’il était là par hasard. Qu’à cela ne tienne, il était décidé à donner ses impressions premières et faire jouer, si possible, sa hiérarchie pour le sortir d’un quelconque embarras. Bref, il parlerait avec précaution en y mettant des gants : ces messieurs de la gendarmerie nationale sont quelquefois si susceptibles et par trop suspicieux. Et ce dernier, en particulier, n’avait pas l’air commode à ses yeux.
Il raconta par le menu ses états de service, ses vacances bien mal commencées et la raison de sa venue sur le terrain. Il ne rajouta rien à son récit, à quoi bon ! Il précisa juste ses premiers ressentis à la vue de cet amoncellement de tôle et de bois qui lui sembla louche et sa soudaine envie d’y voir de plus près. Son métier de policier l’avait aguerri à ce genre de situation et de cache pour un corps : tout ce qui n’était pas du biotope attirait systématiquement son regard et il avait besoin d’en savoir les causes.
L’autre ne disait mot, à part de poser quelques questions règlementaires. Il n’avait pas l’air intéressé par les dires de l’inspecteur, du moins il n’y paraissait pas. Il restait stoïque, son regard dans le vague. C’est sûr, il aurait du mal à le dérider un tant soit peu : ils n’étaient certainement pas de la même école.
Il ressortait de ce quasi monologue que la victime était une jeune fille d’une vingtaine d’années, de type caucasien, sans doute BCBG vu sa tenue vestimentaire et sa coiffure apprêtée. Il restait à déterminer la cause du décès, les raisons de sa présence dans cette campagne abandonnée et surtout retrouver le ou les coupables de ce crime crapuleux.
Lucienne le 13.01.2016