Noël d’un inspecteur 8

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Noël d’un inspecteur 8
Le curé était aux anges et alla s’occuper de Déborah : il était si heureux qu’il ne put s’empêcher de le dire à sa femme, sachant qu’il n’aurait de réponse ! Mais il était persuadé qu’elle savait et qu’elle était heureuse pour lui : il le sentait mais ne pouvait l’expliquer. Entre eux, le lien ne fut jamais coupé, il percevait toujours sa présence et parfois entendait sa voix. Il ne se posait plus de questions depuis longtemps déjà.
Pour l’heure, il alla faire ses ablutions et se coucha : demain serait une belle journée.
Au lever du jour, il devait commencer les matines et n’avait que quelques heures pour se reposer : mais il ne trouva pas le sommeil. Il pensait à ces derniers évènements et se mit à rêver : cela faisait si longtemps qu’il n’éprouvait plus ce sentiment de quiétude et d’apaisement.
- Monsieur le curé : il est temps d’en venir aux faits ! Votre histoire est intéressante mais elle n’explique pas tout et l’heure est venue de me dire qui sont les victimes, quel est le lien qui vous unit. N’oubliez pas que, pour le moment, vous êtes mon principal témoin et que par devers la loi, avec votre petit trafic d’alcool, vous êtes en infraction et que je peux, d’ores et déjà, vous coffrer pour ça, sans compter le recel de cadavre. Cessez de tourner autour du pot et arrêter donc de larmoyer : racontez-moi plutôt, j’ai trop perdu mon temps, j’ai ma famille qui m’attend !
- Je vous prie de m’excuser, Monsieur l’inspecteur mais c’est si difficile et douloureux et je ne sais pas comment le dire, vous n’allez pas me croire tellement c’est affreux, cruel, ma petite fille, oh ! Pas elle, non ! Après l’avoir découverte, je ne pouvais la perdre ! Ce n’était pas possible. Et il renifla de plus belle.
Il y a quelque chose que je ne vous ai pas encore dit, à propos d’un bûcheron qui travaillait dans la forêt. Il tournait sans arrêt autour de ma cabane et un jour, je l’ai surpris à l’intérieur. Il fouillait de partout et lorsqu’il a vu l’alambic, il m’a fait du chantage. Il me dénoncerait si je ne lui donnais pas tous les jours un cruchon d’absinthe.
Mais, cela le rendit fou. Il eut des crises d’épilepsie et devint une bête féroce. Je savais que tôt ou tard, l’alcool aidant, il en perdrait la vie: il avait des troubles cardio-vasculaires et des infarctus à répétition.
Oh, je sais ce que vous pensez, Monsieur l’Inspecteur : je suis un criminel de ne pas avoir porté assistance à personne en péril sachant que je pouvais agir sur ce danger.
J’ai le cœur si lourd, je l’ai laissé partir en sachant ce fou furieux dans la nature. Je m’en veux, je suis responsable de sa mort, Inspecteur, je n’ai su la protéger et je mérite la prison à vie, pour cela ! Ma petite fille, dieu du ciel, pourquoi ? Nous nous connaissions à peine, nous n’avions eu le temps de nous découvrir que, déjà, je l’aimais !
Comme je ne trouvais pas le sommeil, je priai et j’ai entendu des hurlements terribles : des cris inhumains, des craquements atroces et des gémissements déchirants. Je me suis levé et j’ai essayé de regarder par la fenêtre. Mais je ne voyais que des ombres se débattre et gesticuler dans tous les sens : ils étaient un peu dissimulés et la lune était cachée par les nuages. Soudain, ils se sont rapprochés de la cabane tout en continuant de se battre et, là, j’ai vu ma petite fille vaciller et tomber et le bûcheron s’enfuir avec un outil à la main…
Lucienne le 19.12.2015