Noël d’un inspecteur

Noël d’un inspecteur

Minuit sonnait Noël, au clocher de l’église. L’inspecteur avança prudemment sur la neige. Il faisait une température glaciale, le vent soufflait fort, en bourrasque. Chacun de ses pas crissait dans le silence blanc et comme ouaté. Le curé du village l’avait appelé en urgence pour un homicide. Il ne savait pas où intervenir mais, soudain, il vit une envolée de corbeaux devant lui. Ce devait être là, à n’en pas douter. Les charognards avaient commencé leur œuvre de dépeçage et il était arrivé à temps.
Une silhouette recroquevillée gisait à terre : aucun souffle de vie, la victime avait agonisé, bardée de coups de hache dans le dos. C’était une jeune et jolie femme, élégamment vêtue d’une robe rouge en satin et chaussée d’escarpins vernis : la tenue n’était pas très appropriée au terrain, pensa-t-il ! Elle tenait encore dans sa main une petite clé. Aux alentours de la scène macabre, il ne vit ni maison, ni voiture à ouvrir.
Le policier appela du renfort pour baliser la scène et inspecter la forêt voisine : on y entendait des craquements et des bruits sourds. «  étrange, se dit-il, pour un soir de Noël. Ce n’était ni l’heure ni le jour pour couper du bois. Les bûcherons devraient être devant une bonne flambée, en famille, se réchauffant d’un bon vin chaud et célébrer l’avent.
Allons voir de plus près pendant que le médecin légiste commence son travail ». Et il disparut dans la forêt avec son équipe pour voir ce qu’il en était. Peut-être pourrait--il y relever quelques indices, avant que la neige ne les recouvre.
Que ne donnerait-il pas pour être chez lui, tranquille, devant un bon feu de cheminée au côté de sa famille. Mais en parcourant les allées sombres et froides, le mystère semblait s’épaissir.
Le policier s’enfonça plus profondément dans la forêt de sapins, laissant le village assoupi derrière lui. Même armé d’une lampe torche puissante, il ne voyait pas à un mètre tellement le brouillard était dense. Il buta sur un obstacle dur, entendit un sinistre craquement : dieu du ciel, se dit-il, un autre cadavre ! Décidément, l’affaire se compliquait.
Celui-ci était un homme, robuste, dans la force de l’âge. Son visage était rougeaud, signe d’un homme bon vivant et de terrain. Il portait une grosse vareuse et des chaussures de sécurité : un bûcheron, certainement ! Il ne portait aucune blessure apparente. A ses côtés, une grosse hache qui, semble-t-il, avait servi à autre chose que couper du bois. Le médecin lui en dira davantage.
L’inspecteur releva quelques empreintes avant que la neige ne les efface, prit des photos avec son portable et mit quelques hommes en faction pour quadriller le lieu du drame.
Il devait se hâter : une heure sonnait déjà au clocher du village et son enquête piétinait : le souffle du vent sur la neige l’inquiétait pour les indices perdus. Il avait l’affreuse impression d’être le Petit Poucet, ce soir, à laisser des cadavres derrière lui.
Il poursuivit son chemin avec appréhension et déboucha dans une clairière : une cabane en bois, enfin, peut-être un signe de vie dans ces lieux hostiles ! De la lumière filtrait par les fenêtres et de la fumée sortait de la cheminée.
Il toqua à la porte : un oppressant silence lui répondit ! Il tenta de rentrer dans la maison mais elle était fermée à clé. Il en fit rapidement le tour et entendit un croassement lugubre : sur le toit, un gros corbeau noir le regardait ! Brrrrrr, oiseau de mauvais augure, pensa-t-il !
Il enjamba, contre toute attente, une fenêtre entrouverte et pénétra dans les lieux…
Lucienne le 19.12.2015