Le Capitaine Fracasse et la demoiselle 11

Le Capitaine Fracasse et la demoiselle 11

Pendant que le Capitaine dormait, le quartier maître tenait la barre et ils filaient bon vent. Une brise légère gonflait la voile qui les rapprochait du port marchand où ils pourraient écouler leur trésor et vivre riches jusqu’à la fin de leurs jours. Ils étaient si heureux, ces hommes et très fiers de leur chef. Il commençait à se faire vieux et ne tiendrait pas longtemps au rythme de ces voyages au long cours, à essuyer des tempêtes gigantesques et des soleils de plomb. Ils s’étaient pris d’affection pour lui et étaient un peu tristes de devoir s’en séparer.  Mais, le vieux loup de mer était un solitaire et ne voulait pas quitter son bateau : c’était toute sa vie.
Quant au vieux marin, son sommeil fut profond mais très agité. Il était reparti dans son rêve du Bois Joli, mais ce dernier était dans les ténèbres et il ne reconnaissait plus les lieux. Le vieux chêne avait perdu ses feuilles et commençait à se rabougrir.  Il n’y avait plus de fleurs ni d’animaux et les êtres magiques avaient disparu. Scrognus avait raison, ce monde-là était en train de mourir. Il lui fallait absolument le sauver avant qu’il ne périclitât définitivement. Il partit en direction de la forêt du vieux Sage en prenant le même chemin qu’à son retour. Il y avait vu un immense océan bleu lagon, une sublime perle d’eau dans son écrin de feuilles et de fleurs odorantes.  A n’en pas douter, c’était à cet endroit qu’il devait récolter les ingrédients pour son élixir. Il ouvrit son grimoire et, subitement, se mit à trembler, les larmes aux yeux. Il avait dans les mains le livre de Katouchkaline. Et ce n’était pas un livre de contes, mais bel et bien un livre de magie. Comment était-ce possible ? Mais le temps pressait et il n’avait plus le temps de se poser des questions : son esprit rationnel ne lui servirait à rien !
Le manuscrit était divisé en quatre chapitres : le premier décrivait les lutins, les elfes, les fleurs, les arbres et la faune de Merveillandes ainsi qu’une introduction à la magie;  le second donnait une description des secrets tant naturels que surnaturels que l’on pouvait tirer de ce monde et ses éléments; le troisième était consacré aux recettes et élaboration de formules; quant au dernier, il contenait les incantations et autres évocations. Ce livre s’adressait à des magiciens ou des sorciers et était paraphé du doux nom de Katouchkaline, transformé en Kataros pour faire plus ésotérique ou plus hermétique, sans doute.
Il renfermait d’anciennes incantations pour invoquer les esprits supérieurs afin qu’ils obéissent et réalisassent les demandes,  aussi des conjurations pour repousser les esprits mauvais et malfaisants.  Le charme avait été rompu, semblait-il !
Ainsi, sa petite princesse serait une sorcière et son nom magique Kataros ! Le Capitaine était abasourdi,  mais en même temps, heureux. Mais comment se faisait-il qu’elle n’eût utilisé ces invocations pour elle, que s’était-il donc passé pour qu’elle ne voulût grandir ? Décidément, il avait énormément de mal  à comprendre ce monde de la magie : il était trop terre à terre, pour un marin, -c’était peu  dire !
Cependant, il devait se dépêcher pour  trouver les principes des formules demandées par le vieux Sage et il devait s’appliquer. Il n’avait pas droit à l’erreur : la vie de sa princesse en dépendait !
Il savait un peu lire et arrivait à déchiffrer les lettres et les signes grâce aux dessins qui légendaient chacune des recettes magiques. Il feuilleta rapidement le livre pour trouver celle qui correspondait le plus fidèlement possible au problème de Katouchkaline…
Lucienne le 17.12.2015