PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
KAKEMPHATON
Le "kakemphaton" du grec "kakemphatos" qui signifie "malsonnant" , d'où "inconvenant", "indécent" est une suite de sons malencontreuse qui aboutit à une "équivoque involontaire", comme dans la première édition d'HORACE :
Je suis Romaine, hélas, puisque mon époux l'est ;
L'hymen me fait de Rome embrasser l'intérêt.
Pour éviter cet "effet indésirable", CORNEILLE, dans l'édition de 1656, avait corrigé en une version définitive :
Je suis Romaine, hélas, puisqu'Horace est Romain,
J'en ai reçu le titre en recevant sa main.
On peut citer, également, toujours de CORNEILLE :
Et le désir s'accroît quand l'effet se recule. (Polyeucte. 1642)
ou :
Car ce n'est pas régner d'être deux à régner !
Adolphe DUMAS, vit sa pièce sifflée à cause de ce vers malencontreux :
Je sortirai du camp, mais quel que soit mon sort,
J'aurai montré du moins comme un vieillard en sort. (Le camp des Croisés. 1837)
On compare le kakemphaton à la cacophonie, mot d'origine grecque, également, est qui est presque une onomatopée étant donné qu'il s'agit de la rencontre de sons désagréable. RONSARD serait le premier à l'avoir employé.
Sauf effet recherché, comme par exemple le calembour ou encore la fable express, le kakemphaton doit être évité, étant donné qu'il nuit à l'harmonie des vers qui sont faits pour être entendus, même lorsqu'ils sont lus silencieusement.
On peut retrouver des vers cacophoniques dans les oeuvres des meilleurs auteurs, comme ce "kiki" (qui) apparaît dans le vers suivant, encore de CORNEILLE :
Quelle que soit sa mère et de qui qu'il soit fils
.
Comment ne pas sourire quand on lit aussi ce vers de VOLTAIRE :
Non, il n'est rien que Nanine n'honore.
(Nanine ou le préjugé vaincu. 1749. Voltaire)
Le jeune HEREDIA avait envoyé un de ses poèmes à LECONTE DE LISLE, qui lui donna quelques conseils de correction à opérer, notamment pour le vers suivant :
Il ne dort plus depuis que son chef blanc branla.
"Blanc branla" ne fait pas une bonne consonance.
Fuyant le kakemphaton, la poésie française recherche, au contraire, l'euphonie qui satisfait l'oreille. Il existe, par contre, des répétitions de voyelles ou de consonnes qui ne sont pas désagréables, mais, au contraire, plaisantes et expressives, telles que l'assonance, l'allitération, qui en donnent de bons exemples quand cela est intelligemment dosé.