PETIT LEXIQUE POÉTIQUE
LA STANCE
Le mot est emprunté de l'italien
"stanza" où l'on retrouve l'équivalent dans l'ancien français
"estance". Ce terme a été introduit dans notre langue au XVIe siècle, avec à peu près le même sens que le mot
"strophe". Il a d'abord été réservé à l'ode et a été couramment utilisé jusqu'au XIXe siècle. Il l'est encore, de nos jours, mais plus rarement.
On a voulu établir une différence entre
la stance et la strophe. La première formerait un tout, le sens s'arrêtant avec le dernier vers du groupe, tandis que la seconde admettrait que la phrase non terminée continuât avec la strophe suivante.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N'offrit rien de rude à l'oreille épurée ;
Les stances avec grâce apprirent à tomber ;
Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.
BOILEAU in : "Art poétique". 1669)
Boileau faisait allusion à Malherbe, qui, comme on le sait, condamnait
l'enjambementAu XVIIe siècle, sous ce mot on désignait ainsi de manière spécifique les passages lyriques des pièces classiques, comme les stances de Rodrigue dans le Cid ou celles d'Antigone dans
La Thébaïade, dont la facture hétérométrique, la disposition des rimes contrastaient avec le reste de la pièce, en alexandrins à rimes plates.
Un poème que nous qualifierions de strophique serait donc composé de stances, bien marquées par la structure et le sens. Elles seraient toutes, dans ce poème, composées sur le même modèle quant aux mètres et aux rimes. Le nombre de vers devrait être le même dans toutes les stances.
Le mot stance n'avait pas de connotation particulière ; il désignait aussi bien sous cette dénomination générale un poème religieux, comme celui de Gabrielle de Coignard
"Stances sur la nativité de Jésus-Christ" qu'un poème galant de Jean Bertaut, intitulé, lui aussi
"Stance". On retrouve encore le terme chez Alfred de Musset, dans son poème intitulé :
"À la Malibran", sous-titré
"Stances", composé de vingt-sept strophes de même modèle, dont voici un extrait :
À LA MALIBRAN
Sans doute il est trop tard pour parler encor d'elle ;
Depuis qu'elle n'est plus quinze jours sont passés,
Et dans ce pays-ci quinze jours, je le sais,
Font d'une mort récente une vieille nouvelle.
De quelque nom d'ailleurs que le regret s'appelle,
L'homme, par tout pays, en a bien vite assez.
...
Actuellement on emploie le terme
strophe de préférence à celui de stance, les deux termes pouvant être considérés comme synonymes.