LA VIEILLE GRINCHEUSE

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La vieille grincheuse

Je somnole le jour, au fond de mon fauteuil.
Je suis là, affalée, attendant le cercueil.
Quelque peu égaré dans mon monde irréel,
Dérangé, un peu fou, mon esprit a des ailes.

Que penses-tu de moi, là tout au fond de toi,
Toi qui, jour après jour, prends si bien soin de moi ?
Lorsque tu me regardes, de moi que comprends-tu ?
Suis-je juste cette vieille qui bave, regard perdu ?

Allons, fais un effort, comprends-moi un peu mieux.
Me crois-tu cette vieille qui hante encore ce lieu ?
Approche, vois mes rides, les sillons d’une vie.
Observe mon regard, par les pleurs tout pâli.

Dans cet océan plonge et affronte le courant.
Prends ma main dans la tienne et remontons le temps.
Arrête toi ici. J’ai déjà soixante ans,
Des enfants qui oublient qu’ils ont une maman.

Suivons ce long sentier. C'est ici mes trente ans.
Une maison, un mari, un tout petit enfant.
Ici mes vingt printemps, ceux des doux souvenirs.
Oublier tous les autres, sans voir l’espoir mourir.

Je suis vieille maintenant et la vie est cruelle.
Mon vieux coeur bat encore mais le corps s’ensommeille.
Dans cette triste carcasse, c'est une jeune fille qui veille,
Conservant dans son âme, tous ses monts et merveilles.

Alors ouvre tes yeux et agrandit ton coeur.
Vois en cette grincheuse qui tant de fois t’agace
La jeune et belle femme pour qui la vie s’efface,
Ce n’est pas moi, plus moi. Juste une dernière erreur.